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Calédoblog
7 juillet 2007

Le suicide vengeur de l'évasion

C'est le titre d'un chapitre du livre Do Kamo - La personne et le mythe dans le monde mélanésien, écrit par Maurice Leenhardt en 1947. Il apporte quelques précisions intéressantes sur un fait divers récent (sans le pardonner ni le justifier) :
Cette semaine, un homme a tiré sur son ex-femme et tué ses deux jumeaux avant de se donner la mort. L'affaire a fait grand bruit ici et les journaux ont parlé de "suicide altruiste" pour expliquer son acte.
Voici l'extrait du texte du célèbre ethnologue :
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"Le suicide joue un rôle important dans la société. Il n'est jamais un saut dans l'inconnu. Il est la recherche d'une existence transcendante au monde, et donc affranchie des limitations de celui-ci (...)
En Nouvelle-Calédonie, la légende abonde en récits de suicides d'épouses humiliées ou trompées (...)
Les hommes n'ont point de ces vengeances dramatiques. Ils croient à leur force, qui leur permet des mesures moins sévères pour eux, et plus cruelles pour leurs femmes (...)
Tous ces héros ont renoncé à la vie avec une facilité déconcertante. Le bien-être matériel dont ils jouissent n'a su les retenir. Ce sont les raisons du coeur qui les ont guidés. Leur vitalité procédait de leur santé affective, et celle-ci s'est révélée soutenue, non point par leur énergie, mais par la rectitude et la dignité sociales. Un accident qui brise cette rectitude, une confusion de face qui altère cette dignité, et la vie ne vaut plus sur la terre.
Le suicide est donc, pour eux, un mode de transfert de l'état vivant à l'état de bao, état invisible et libéré du corps, où, par l'affranchissement des lois de ce monde, ils peuvent à la fois décupler leur puissance et recouvrer leur dignité par l'assouvissement de leur vengeance.
Ils ont cherché dans la mort un moyen de persévérer dans leur être, d'affirmer celui-ci avec plus d'efficacité qu'ils ne pouvaient dans les conditions de ce monde, de lui restituer non une place, mais un rôle dans cette société où il n'en avait plus ; un rôle redoutable, parce que sur le plan transcendant, contre lequel la société est impuissatnte."
Pour mieux comprendre cette idée traditionnelle kanak selon laquelle "nulle opposition n'existe entre le monde des vivants et celui des défunts", je vous renvoie à la lecture du chapitre "Le suicide vengeur de l'évasion" (p.88-94)

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